06:55

Se dresser seul

La rhétorique de Soka Gakkai est, hélas, pleine de phrases toutes faites, de mots valises et de pseudo-devises qui sonnent comme des slogans, évoquent un imaginaire héroïque et impliqué, que ceux et celles qui ont connu l'époque Maoïste reconnaissent aisément. L'une d'elle est : se dresser seul. Ce slogan invite chaque pratiquant à ne pas attendre d'aide de l'extérieur et à prendre sur ses épaules la responsabilité de transformer sa propre vie et pendant qu'il (ou elle) y est la responsabilité de diffuser largement les enseignements Soka au plus grand nombre. L'argument est simple : nous sommes tous, individuellement, responsables tant de nos vies que de celles des autres.

Le problème des slogans comme celui-ci c'est l'à propos de son usage. Pour le dire simplement : à quel moment encourage-t-on quelqu'un à se dresser seul ?

D'après mon expérience personnelle du bouddhisme, on encourage les gens à se dresser seuls lorsqu'ils démontrent un réel désir d'accomplissement personnel au travers d'une recherche spirituelle ou philosophique. Ce qui signifie que l'on est en présence de quelqu'un de mature, voire adulte dans tous les sens du terme, capable de recevoir un tel encouragement. Il ou elle saura en faire usage car capable de l'intégrer dans une démarche acquise, travaillée, voulue. Celui ou celle qui se dresse seul est alors capable de voir l'impact de cette posture psychologique sur sa propre démarche de vie, sur le chemin qu'il ou elle a choisit pour mener son existence en ce monde.

Toujours d'après mon expérience personnelle, se dresser seul est un slogan improductif et inutile pour quelqu'un qui est en détresse, physique ou morale. Les difficultés et les obstacles à surmonter ont cette propriété d'obscurcir l'avenir d'un individu et de le plonger dans un état de souffrance et de désespoir plus ou moins profond. Dans un tel état, l'impératif de se dresser seul devient une charge, une pression, supplémentaires qui ne font qu'alourdir le navire qui prend l'eau. Se dresser seul devient alors une injonction paradoxale, irrationnelle, à la limite du sacrifice ou du martyr, nous reléguant à des croyances précédentes et différentes de l'enseignement essentiel du bouddhisme.

Le bouddha, ou plutôt l'éveillé(e), est un individu adulte, responsable et conscient de sa responsabilité personnelle dans l'ensemble des événements de son existence. Il ou elle comprend également l'impact de son action sur la vie des autres. Cette prise de conscience s'accompagne d'une réelle compréhension de l'impossibilité de contrôler les événements auxquels l'individu est confronté. Il ne reste plus alors qu'à ajuster son attitude en fonction de ce qui survient et en maintenant au mieux le cap de sa propre existence à la manière d'un capitaine de navire balloté par les flots. L'éveillé(e) est l'individu qui considère à chaque instant qu'il ou elle se dresse seul, rencontrant les autres éveillé(e)s dans la même disposition d'esprit. Ensembles, ils et elles sont capables de soulager la souffrance de ceux et de celles qui n'ont pas encore adopter cette gymnastique intérieure.

La période des fêtes est propice aux suicides et aux désespoirs de toutes sortes. Cette organisation presque mondiale de congrégations et de réunions amicales ou familiales amplifie également la solitude de ceux et de celles qui n'ont ni la capacité ni la perspective de se dresser seul(e)s. C'est pour cette raison que le taux de suicides grimpe, tous territoires confondus, à cette époque de l'année.

Dans l'adversité, nous ne sommes pas tous égaux, et quels que soient les disciplines auxquelles nous faisons appel pour soutenir nos vies, aucun de nous n'échappe à des moments d'intense souffrance ou de désespoir irréductible. C'est à ce moment-là qu'il faut oublier les slogans et les phrases toutes faites pour revenir à des attitudes concrètes de bienveillance. L'hospitalité, la tendresse, la générosité, l'ouverture et l'écoute sont les attitudes attendues par ceux et celles qui ne peuvent, ni ne veulent se dresser seul(e)s. Dans ces moments-là c'est l'amour, la sympathie, l'affection et l'estime qui deviennent les dons du bouddha, ses enseignements, son action.

Le bouddhisme n'est pas une philosophie froide, chirurgicale, pontifiante ou doctrinaire. Ses enseignements sont d'abord et toujours le soulagement du désespoir et de la souffrance. Et ce soulagement n'est pas apporté par la connaissance académique ou le raisonnement logique ou même la croyance dogmatique. Le bouddha soulage les individus par sa capacité à protéger, à aimer et à permettre l'édification des individus. Ces trois vertus de souverain, de parent et de maître n'ont rien d'une condescendance charitable ou d'une hiérarchie pragmatique. Le bouddha est comme sœur Emmanuelle. Il aime les gens, alors il les tutoient. En ce sens, les bouddhas ne connaissent que la proximité avec tous les êtres humains, des plus beaux aux plus laids, des plus aimables au plus détestables, des meilleurs aux plus méprisables.

Très tôt, j'ai appris à me dresser seul, non contre les autres, mais simplement par moi-même. Cette année, qui a été éprouvante tant du point de vue physique que du point de vue psychique, m'a encore appris qui étaient les gens qui m'aimaient et me protégeaient. J'ai également pris conscience que ceux et celles qui disent nous aimer, nous apprécier, nous aider peuvent devenir les plus laids, les plus détestables et les plus méprisables des êtres. Il me faut apprendre à les aimer aussi, à continuer de les protéger et à leurs permettre de devenir meilleurs. C'est aussi cela se dresser seul.

Bonne année à tous.

06:59

La nostalgie d'une époque révolutionnaire

Je l'ai déjà dit dans cette colonne, j'ai rencontré le bouddhisme il y a plus de vingt ans. C'est à la fois beaucoup et peu. Beaucoup pour les nouveaux venus qui découvrent à peine la récitation de Daimoku et espèrent recevoir un Gohonzon, peu pour les aînés qui ont résisté aux remous des années soixante, aux délires des années soixante dix, aux corporatismes des années quatre-vingt et aux conflits internes des années quatre-vingt dix.

On arrive presque au bout de la première décennie du premier siècle d'un nouveau millénaire chrétien, et je me demande bien comment on va qualifié cette décennie-ci. La décennie du culte de la personnalité ? La décennie de la dérive institutionnelle ? La décennie de la peur et de l'intégrisme religieux ? Cette dernière appellation semble bien correspondre à la réalité générale des spiritualités dans le monde et dans l'époque. Car de manière pacifiquement hypocrite ou de façon ouvertement violente, les religions sont sur le sentier de la guerre, rivalisant pour se tailler une place de choix sur la scène médiatique mondiale.

Depuis mon perchoir humide du Valois, en Picardie, je me demande bien comment on en est arrivé là. A mes débuts, les choses étaient bien différentes et le discours ambiant était celui d'une authentique révolution de velours. La révolution humaine avait un sens : celui de permettre à chacun de prendre en main sa vie et de changer la société. 25 ans plus tard, la première partie du discours est toujours valable mais la seconde est inexistante ou invisible.

La réforme individuelle, portée par une discours ambiant de développement personnel et d'auto-psychanalyse (comme une forme d'automédication), s'est appropriée le bouddhisme de la Soka Gakkai qui est ainsi perçu comme une technique. On pratique pour transformer sa vie, c'est-à-dire obtenir du confort, de l'amour et de la reconnaissance sociale. On pratique pour changer son karma, ce qui se traduit par corriger les attitudes non-conformes et contre-productives qui nous empêchent de gagner le bonheur. On pratique pour être libre, ou plus simplement énoncé pour ne plus s'encombrer de scrupules, de culpabilité, de remords ou de regrets. En soi et à un niveau purement individuel, c'est une révolution.

Mais cette révolution apporte-t-elle un changement notable et déterminant dans la société ? Nos révolutions personnelles engendrent-elles une révolution sociale ?

Non.

Si au Japon, socle du mouvement de Kosen-rufu dnas le monde, la Soka Gakkai a vu une extraordinaire renaissance de la société japonaise et de sa population depuis la capitulation jusqu'à la fin des années soixante-dix, elle a été témoin d'une longue et inexorable stagnation puis désagrégation dans les années quatre-vingt dix et après. Cette stagnation s'est déroulée symétriquement au tassement du nombre de pratiquants au Japon et à un net ralentissement du renouvellement des générations.

A la fin des années quatre-vingt en France, la Soka Gakkai avait du mal à se distinguer de l'ordre monastique, Nichiren Shoshu. Puis dès le début des années quatre-vingt dix ce fut le schisme et l'expulsion de la majorité par une caste de moines rétrogrades et corrompus. Entre 1986 et 1991, j'ai donc connu une période de révolution tant personnelle que sociale.

C'était l'époque de la cohabitation, le deuxième septennat Mitterand, une ère de communication et la montée en puissance de la finance. Les classes ouvrières s'opposaient aux classes moyennes embourgeoisées et le patronat tentait par tous les moyens de réduire l'opposition syndicale dans les entreprises. C'était aussi la grande époque des premières délocalisations, la concentration des grandes industries françaises et internationales, les prémices de la globalisation. Enfin c'était l'époque de la chute du Mur, de la désintégration de l'URSS, de la fin de la Guerre froide.

Dans un tel contexte d'explosion politique et sociale au niveau international, le discours à la fois éthique et discrètement politique de la Soka Gakkai, essentiellement porté par Daisaku Ikeda, mais aussi par une classe dirigeante au sein de l'organisation, avait quelque chose de neuf, de résolument contemporain et proposait des pistes de réflexion et d'action pour vivre dans un monde débarrassé de la confrontation permanente entre capitalisme et communisme. Et en plus, cela se déroulait, au niveau local (c'est-à-dire chez nous) d'une manière associative et dynamique, où les volontaires étaient nombreux, les bénévoles sincères et l'enthousiasme spontané.

C'était l'époque étonnante et chaleureuse des activités et des échanges aux deux niveaux de soi et de la société dans laquelle on vivait. Les propos étaient ouverts, les discours visionnaires et l'ensemble de la culture Soka était en phase avec l'actualité et le réel tant au niveau international que personnel et quotidien. Les moyens étaient frustres, maigres et parfois même inexistants mais l'on savait s'organiser, faire avec rien et produire et l'événement et l'encouragement. Le centre de Sceaux était ce qu'il était et on faisait avec. Et si l'on avait une ou deux heures à tuer, on pouvait donner un coup de main aux espaces verts, passer une couche de peinture, déménager quelques meubles devenus obsolètes.

Chacun dans son chapitre, nous avions une vie de quartier intense. Ce que les aînés n'organisaient pas, les jeunes le faisaient. Il ne se passait pas une semaine sans une activité, voire deux. Et si cela était plus fréquent en Ile-de-France, certaines régions n'étaient pas en reste et démontraient une vivacité incroyable. La révolution était en marche et les membres de la Soka Gakkai n'étaient pas seulement des personnages de fiction d'un autre âge, les Boddhisattvas sortis de la Terre, mais surtout des militants, des activistes, des participants, des animateurs et des animatrices... Ils étaient des gens.

La souffrance, les troubles, les difficultés étaient autant qu'aujourd'hui. Mais la période n'était pas aux pages larmoyantes de Pyschologies, ni aux extases éthérées du Monde des religions, et encore moins aux émissions de commisération collective qui criblent la programmation du service public. C'était le temps des crises, du travail difficile, des salaires au lance-pierre et des plans sociaux. C'était le temps des Noëls de grève sous la neige. Les gens pratiquaient ensemble souvent, en voisins. Il ne s'agissait pas de se donner des directives, mais d'être ensemble, tout simplement.

J'adorais ce temps-là.

Et même si dans les années quatre-vingt dix, j'ai vu un virage s'amorcer, j'ai continué à militer pour une Soka Gakkai sociale, proche des gens, syndicale à l'anglaise, chaleureuse comme on s'est l'être dans le Nord... bref solidaire et ouverte. Puis à mesure que la décennie quatre-vingt dix s'est écoulée, j'ai vu tout cela disparaître peu à peu, remplacé par une volonté de confort, d'être apprécié, d'avoir de la reconnaissance. L'inverse de ce le deuxième président de la Soka Gakkai avait enseigné à ses disciples.

Le centre de Sceaux est devenu une maison grise, marbré, cerclée d'aluminium et proposant d'aller voir un Gohonzon sous verre, comme s'il était la Joconde. Les activités de quartier se sont lentement éteintes pour ne devenir aujourd'hui qu'une simple réunion de lecture du sujet imposé, énième cours du Sensei, rabâché et ruminé. Les jeunes d'hier sont devenu les vieux d'aujourd'hui. Et les jeunes d'aujourd'hui ne sont pas sortis de terre faute d'ouverture, de renouvellement du discours, de regard lucide sur les changements de notre temps.

A l'image de toutes les grandes révolutions de la planète : Cuba, Viet-nam, Chine, Amérique du Sud, Italie... Tout a été laminé lentement mais sûrement par le costume-cravatte, la poignée de main vigoureuse, le sourire de circonstance et le discours consensuel et convenu. Les regards qui hier scrutaient les avenirs possibles, sont tous tournés aujourd'hui vers une image factice du père, de l'homme idéal, du maître à penser, du guide... portée péniblement par un vieil homme fatigué, le regard inquiet et flétri par une image vidéo moche et indigne.

Que reste-t-il du temps de la révolution ? Quelques bribes ça et là... Quelques irréductibles profondément attachés à une tradition qu'ils et elles pensent encore vivante. Mais de mouvement, c'est l'arrêt complet, la pose figée, telle les statues qui ornent les entrées de bâtiments à Shinanomachi, QG de la Soka Gakkai Internationale.

Faut-il s'insurger ? Protester comme l'on fait les jeunes hommes en colère en 1973 dans le bureau même de Daisaku Ikeda ? Ou est-ce déjà trop tard, car faute d'une jeunesse engagée à défaut d'être sage, dynamique à défaut d'être forte, enthousiaste à défaut d'être savante, nous ne pourrons pas aller bien loin. L'époque est aux révolutions et aux combats d'idées. Et selon que nous sommes capables, chacun individuellement, de produire du changement radical dans notre environnement immédiat, l'avenir sera sur les rails du progrès, ou bien sur ceux de la destruction. Car pendant que nous ne faisons rien d'autre que nous regarder le nombril et pleurer sur nos misères, d'autres moins scrupuleux, nous préparent un avenir glauque, sombre et sans espoir.

Où que vous soyez, il est temps de sortir de l'ombre, de cesser de vous apitoyer sur votre sort ou votre apparente impuissance. Il est temps de permettre cette révolution attendue par chacun et par tous.

15:39

L'effet papillon

« ... qui librement reçoit et emploie toute chose. »

Une définition simple de l'éveil, ou plutôt de la disposition intérieure dans laquelle se trouve celui ou celle qui s'éveille. Mais comment savoir que je suis dans cette disposition ? Comment savoir si je suis libre, si je reçois librement les événements et si je les emploie librement pour parvenir à une solution heureuse ? La liberté, c'est tellement subjectif. La liberté, c'est si impossible à définir. Alors que faire ? Prier sans réfléchir ? La ritournelle cent fois entendue : faire confiance ? Impossible aussi, car si la liberté est un concept difficile à capter, il y a au moins une chose que chacun sait : la liberté ne peut s'exercer que si l'on est conscient de ce que l'on fait, de notre responsabilité et donc de notre connaissance de ce que nous sommes en train de faire.

Mais peut-être que tout cela est beaucoup plus simple qu'il n'y paraît. Recevoir librement c'est accepter, reconnaître, admettre. Souvent, nous faisons l'inverse. Un événement inattendu ou indésirable survient et nous le combattons, nous le refusons, nous le contestons. Alors que la sagesse nous invite à l'accepter, à le reconnaître comme réel et comme vrai, à l'admettre comme la réalité du moment. Il ne s'agit ni de s'y soumettre, ni de s'en faire une fatalité et encore moins de s'y résigner. D'où la seconde partie de la phrase : employer librement.

L'événement n'est pas limité à la vision négative que nous en avons (pas plus qu'à la vision positive). Une bouteille d'excellent vin n'est pas une cuite probable, pas plus qu'elle n'est la promesse d'un bon moment. Un sourire dans le bus n'est pas une marque de séduction pas plus qu'il n'est une esquive polie. Cela signifie que nous ne savons pas à l'avance l'issue et qu'il nous reste un choix. C'est cela employer librement. Nous pouvons emprunter l'une ou l'autre des routes et même aller de l'une à l'autre librement.

Recevoir et employer librement ne signifie pas pour autant papillonner au gré des humeurs et des nouveautés. Car ce serait croire que le vol et l'activité du papillon ne sont rien d'autre qu'un jeu futile et dénué de sens. Le papillon, qui bien souvent n'a qu'une ou deux journées à vivre, a lui aussi une part dans le concert des activités innombrables et infinies de notre environnement. Au cours de son unique jour, il réalisera certainement plus de choses que bien des hommes au cours de toute leur vie. Il serait donc sage de le considérer comme une illustration parfaite de ce principe de librement recevoir et employer toute chose.

Léger, apparemment libre de la pesanteur et de l'attraction, il parcourt l'étendue du jardin, butinant et permettant aux fleurs de se féconder les unes les autres. Sa relation au monde est productive et discrète, cachée derrière les gestes les plus simples, les situations les plus triviales. Il reçoit la réalité de sa courte existence sans pression écrasante et progresse au long de son jour de manière libre et amusante. Symbole éphémère d'un bonheur rare et insaisissable, jamais papillon dans un jardin ne suscite haine, violence, répulsion ou angoisse.

[Credit photo : Feuillu/Flikr sous licence CC]

03:05

L'instant périodique d'énervement

Il y a un moment dans le mois où survient l'instant périodique d'énervement. C'est un moment unique, toujours provoqué par le même facteur extérieur, entraînant toujours la même cause inhérente, ayant toujours pour conséquence le même effet manifeste. Cet instant, c'est l'arrivée de Troisième Civilisation dans ma boîte aux lettres.

Troisième Civilisation, c'est le mensuel édité par l'ACEP (dont l'acronyme est à elle-seule énervante) pour le compte du mouvement Soka en France (et par extension dans beaucoup d'autres pays francophones). Pionnier de la diffusion du bouddhisme par voie de presse, Troisième Civilisation existe depuis maintenant plus de trente ans. Il remplaçait une petite revue assez terne mais très informative baptisée d'un titre évocateur : L'Avenir. Dès son origine, Troisième Civilisation avait pour vocation de vulgariser le bouddhisme de Nichiren et de le mettre à la portée du monde quotidien sous la forme d'un magazine moderne, accessible, simple et bon marché. Il suivait en tous points la volonté de la SGI et de son président de sortir le bouddhisme du carcan monastique et paroissial pour lui permettre une adéquation avec la modernité du monde occidental contemporain.

Troisième Civilisation était une référence à une allocution de Daisaku Ikeda dans laquelle il faisait appel à l'émergence d'une troisième civilisation, succédant à celle de l'idéalisme et à celle du matérialisme et intégrant ces deux tendances dans une démarche humaniste et globalisée. L'époque n'était pas à la mondialisation, mais à la guerre froide. Le monde était enlisé dans les conflits, les famines, les décalages entre Nord et Sud, Est et Ouest. Pourtant, Daisaku Ikeda ne cessait de donner de la voix pour faire entendre son message et celui de nombreux autres intellectuels qui entrevoyaient déjà les transformations actuelles. Enfin Troisième Civilisation avait pour sous-titre : pour l'éducation, la culture et la paix. En soi, le projet était noble et le message fort, même si les moyens étaient maigres et l'exposition réduite.

Au cours de ces trente ans, le magazine a subit nombre de moutures, de changements intérieurs et extérieurs. C'est la vie des publications, semblables à ceux et celles qui les font et les défont. Mais passant d'un trait sur cette longue et extraordinaire histoire qui a permis à des milliers de gens de connaître le bouddhisme, à des milliers d'autres d'être encouragés dans la foi aux confins de la francophonie, et à des dizaines de pratiquants de s'impliquer dans une aventure humaine qui dépassait largement leurs intérêts propres ou leurs désirs secrets de reconnaissance sociale. Troisième Civilisation était devenu si familier, si proche de nous que son titre avait été changé pour 3eme Civ' tant le concept était intégré.
Et aujourd'hui ? Alors que le mouvement Soka a subit une refonte complète, les publications ont bénéficié d'une manne financière providentielle, issue de la fusion de toutes les entités à vocation mercantile du mouvement (publications, boutique, articles religieux, séminaires, etc.). Ainsi, le journal a bénéficié d'un achat de matériel sans précédent et du recrutement de plusieurs collaborateurs professionnels. Toutes ces transformations avaient été longtemps attendues et s'avéraient nécessaires depuis de longues années. Ainsi Troisième Civilisation est passé du stade de magazine collectif et bénévole au rang de support de presse professionnel. Dans ces conditions, on aurait été en droit d'attendre un surcroit de qualité, une augmentation du contenu en volume et en diversité, une montée en gamme du magazine pour rejoindre des équivalents distribués en kiosques comme les Nouvelles Clés, ou les Tricycle...

Et bien non. 36 pages qui sont passés de bichromie en quadrichromie, entendez que le noir et blanc garni d'une couleur unie décorative a été supplanté par de la couleur souvent incontrôlée qui parfois met en relief les défauts plutôt que de rendre l'ensemble plus agréable. Le prix est resté inchangé... ou presque. Et le reste ?
3eme Civ', un peu trop familier, est redevenu Troisième civilisation. Le sous-titre a disparu et le sens même du titre est devenu assez nébuleux, décalé par rapport aux nouvelles réalités, à la diversité du monde, au multi-culturalisme, à la globalisation, à l'émergence des réseaux et des communautés transversales... L'objectif de pédagogie, de culture et de paix s'est largement atténué et ne semble plus faire sens à l'intérieur des articles qui sont essentiellement phagocytés par des cours de M. Ikeda, les idées de M. Ikeda, les citations de M. Ikeda, les actions et les distinctions de M. Ikeda. Restent quelques places pour des papiers apparemment culturels ou de portée générale qui n'ont pas toujours de rapport avec le bouddhisme, ni même avec l'esprit de fusion entre le sacré et le quotidien (jap. obutsu myogo). Ils peuvent servir de divertissement entre deux tranches de « senseïmania » et permettent pour l'instant au magazine de conserver son statut de publication périodique et de bénéficier de tarifs préférentiels pour l'envoi postal.
Que s'est-il passé ? Ou plutôt où est passé Troisième Civilisation ? En ouvrant le dernier numéro, je sens monter l'instant périodique d'énervement. Je survole la prose copiée de l'éditorial et de la page du consistoire. La « senseïmania » commence dès l'entrée en matière. Puis c'est le festival : cours de gosho, étude mensuelle... puis une expérience française (miracle !)... puis hop on y retourne... Je passe les pages au pas de charge en soufflant comme un cheval impatient et j'arrive à la dernière de couverture qui fait la pub d'une énième publication d'un entretien Ikeda-Toynbee datant des années soixante ! C'est en est trop. Les photos pleine page du couple de pratiquants parfaits (elle+lui+le petit), genre publication des témoins de Jéhova, tranchent avec la vie de Nichiren en feuilleton, illustré par des gens que j'aime bien mais que je préférerais voir illustrer des vrais histoires pour enfants et non du readers' digest de pacotille.
Je ferme. Je regarde une dernière fois la couverture. Une silhouette en posture étrange face au coucher/lever du soleil. On se croirait devant une bouquin new-age de Carlos Castaneda ou un journal de développement personnel à base de médecines douces et de magnétisme. Ça ferait très bien sur un stand au salon de l'occulte et du paranormal.

Soit ce canard ne s'adresse pas à moi, et il est normal que je ne m'y reconnaisse pas du tout. Soit ce canard a gagné en moyens ce qu'il a perdu en âme, et il est normal que je ne m'y reconnaisse pas du tout non plus. Mais que faire quand on ne se reconnaît pas dans une publication que l'on avait l'habitude d'apprécier, même de façon mitigée ? Que faire quand l'arrivée du magazine provoque cet instant périodique d'énervement ? Ecrire ? Pour quoi faire ? La rédaction n'a pas le courage, ni la décence de répondre à des lecteurs chevronnés. Alors ?
Prier... et éventuellement résilier l'abonnement. Car les journaux sont comme les gens qui les font. Un beau jour, ils meurent. Il ne reste alors que les archives pour se rappeler de leur souvenir.

08:39

La foi en vacance

Pratiquer le bouddhisme en dehors du cadre rigide de la discipline monastique pose un certain nombre de problèmes typiquement humains. Notre tendance à l'inertie rend les exercices spirituels et les rituels beaucoup plus ardus qu'il n'y paraît. Quand par dessus cela, il faut également être pro-actif dans les activités de congrégation, là c'est mission impossible.
En France et dans la plupart des pays, la Soka Gakkai repose intégralement sur la capacité sociale des individus qui pratiquent les enseignements qu'elle diffuse. Dans les contrées encore fortement agraires, de sociétés très soudées par des parentées et des liens tribaux, le bouddhisme trouve en général un terreau fertile pour se développer. Dans les sociétés anonymes, de type occidentales, où l'individualisme outrancier en a fini avec le lien social, c'est beaucoup plus dur. On pourrait penser le contraire à cause de la permissivité apparente des occidentaux et de l'ostracisme inhérent aux sociétés de ce qui fut autrefois le Tiers-monde. Mais il n'en est rien.
C'est en Afrique, en Asie et en Amérique du Sud où la Soka Gakkai voit des développements de grande échelle. Et c'est en Europe et aux Etats-unis que l'on rame pour faire passer le message et pour reconstruire des communautés spirituelles. L'individualisme libéral y est pour une part. Mais la véritable plaie de la spiritualité en Occident, c'est l'incapacité des individus à se prendre en main et à mener un projet jusqu'à son terme. Le confort, même précaire, est largement suffisant chez nous pour que l'on n'aie pas à se préoccuper de trop en cas de coup dur ou bien dans les périodes de stagnation.
Mais le problème ne s'arrête pas là. L'inertie de nos pays, soi-disants évolués, est telle que nous ne nous apercevons de rien, que notre horizon est bouché, tant nous sommes divertis par une légion de menus détails comme le téléphone, la télé, les jeux de toutes sortes, les drogues de toutes sortes, les usages futiles et inutiles, et la consommation délirante dans son ensemble. Tout ce flux incessant vient nous retirer le peu de force vitale que nous sommes capable de mobiliser pour nous lever le matin et nous laisse paralysés sur des chemins de traverse qui ne débouchent que sur la violence, la bêtise et davantage de consommation.
C'est pour lutter contre cette inertie, cette forme insidieuse et subtile de corruption de l'esprit, que le moine du 13e siècle, Nichiren, a diffusé sa pratique liturgique et ses enseignements. Il ne les a pas sortis de la cuisse de Jupiter (qu'il ne connaissait sans doute pas) et les a synthétisés de la tradition bouddhique dont il était issu et dont nombre de moines japonais avant lui s'étaient improvisés les conservateurs.
Cette pratique bouddhique ne s'inscrit pas dans la stricte voie monastique. Son fondateur, Nichiren toujours, ne l'avait pas conçue comme une école distincte et concurrente des autres écoles de son époque, mais plutôt comme un mouvement populaire et informel. Ce sont ses héritiers (des moines) qui instituèrent les différentes et divergentes écoles qui existent aujourd'hui. Chasser le naturel, et il revient au galop.
En tant que pratique (et là je parle de ce que les grecs appellent la praxis), le bouddhisme de Nichiren est très différent des bouddhismes monastiques. Il s'inscrit dans le quotidien, se développe dans le monde du travail, dans la famille, dans les relations sociales et fait partie de l'existence humaine comme une composante naturelle indistincte, comme l'hygiène, l'alimentation ou la culture. Et c'est ainsi qu'il a été compris au début du vingtième siècle par nombre d'intellectuels japonais.
C'est, à mon avis, sur cette simplicité que les fondateurs de la Soka Gakkai se sont appuyés en démarrant le mouvement Soka. Il a pris au fil, des périodes et des dirigeants, des styles différents, mais il a conservé jusqu'à aujourd'hui une certaine cohérence avec le message originel de Nichiren, fondateur de la doctrine : un mouvement populaire et informel qui s'inscrit dans le quotidien de monsieur et madame tout-le-monde.
Il n'en demeure pas moins difficile à pratiquer dans ce même quotidien. Parfois même, il peut apparaître comme plus complexe à mettre en œuvre que de s'ordonner bonze. Car la discipline monastique a ceci de plus simple : on quitte tout et en s'extrayant du monde on ne se consacre plus qu'à une seule chose la recherche de l'illumination. Je ne vais pas essayer de démonter ce concept, mais il est certain que c'est au moins aussi simple que de quitter la vie séculière pour entrer au monastère ou au couvent.
Alors au quotidien, pratiquer le bouddhisme de Nichiren c'est pas simple. Surtout si l'on atterrit dans une campagne à faible densité de population (et par extension à faible densité de pratiquants). Sans contacts autres que ceux que l'on suscite, où les rares bribes d'informations que l'on glane à droite et à gauche, il devient très difficile de maintenir le cap et surtout d'alimenter la foi. A moins d'avoir une longue expérience et un gros bagage culturel spécifique au bouddhisme, il est alors très facile de verser dans le fossé de l'inertie et de dériver plus ou moins vite. Je comprends les nombreux pratiquants qui ayant quitté la capitale, ou bien des villes très actives, ont vu leur pratique décliner et parfois même disparaître.
Relié au mouvement Soka mondial de nombreuses façons et surtout au travers d'une forte activité de blog et de discussions sur des listes de diffusion et des groupes de Facebook, je poursuis ma pratique avec un grand sentiment d'isolement régional. Et bien que je conserve de nombreux liens avec des pratiquants de l'Ile de France où j'ai milité ces vingt dernières années, je regrette l'inertie que je suis forcé de constater dans la région où j'habite. Il est courant d'invoquer les distances, le manque de temps et la difficulté à accorder les emplois du temps... Mais à la lumière d'une pratique bouddhique qui a pour but central d'augmenter la force vitale de l'individu, toutes ces raisons sont seulement le reflet de l'inertie très puissante qui règne.
La capitale n'est pas exempte de l'inertie, et bien souvent les gesticulations et les empressements s'appellent activités, mais n'en sont pas. Mais cette interminable succession de réunions diverses et variées donne l'illusion d'une action dans le monde de la foi, dans le mouvement Soka. Et dès que tout cela s'arrête, alors ce qui alimentait la pratique s'éteint et fini par s'étioler.
L'éloignement (de la ville et entre les gens) a cette capacité de révélation. Il révèle la vacuité et l'inconsistance dans les intentions et les attitudes. Il révèle aussi la faiblesse des discours et des phrases toutes faites. Une fois le bruit disparu, que reste-t-il du mouvement Soka à la française. Pas grand chose. Et il faut tous les efforts d'une poignée de pionniers pour maintenir à bout de forces et de bras un réseau fragile et facile à rompre.
Vu d'ici, de Senlis, en Picardie, le mouvement Soka est un concept séduisant et abstrait. La réalité est très différente des longs et édifiants passages de la Nouvelle Révolution Humaine, très différente des proses insipides des publications et complètement différents des envolées lyriques des Discours et entretiens de Daisaku Ikeda. Car l'éloignement fonctionne aussi dans ce sens-là, de là-bas où les choses se décident, se formalisent, se commandent.
Alors que faire ? Comment changer ce qui semble immuable ?
J'ai la conviction que cela passe par redécouvrir sa propre capacité à diffuser le bouddhisme et à initier les autres à sa pratique. Mais peut-on encore utiliser les arguments de Nichiren : faire la démonstration de nos erreurs actuelles, invoquer les catastrophes desquelles nous sommes l'origine, expliquer la perversité de nos croyances dans le capitalisme, dans l'argent roi, dans l'idéologie, dans l'illusion...
Non, il faudra changer de disque. La recette est repoussante. Personne ne veut de cette soupe, pas même les millénaristes chevronnés qui préfèrent aller chercher le salut auprès des Témoins ou des Evangélistes. Il faut trouver une nouvelle approche. Sortir de « l'orbite du bonheur », du positivisme de pacotille et surtout des promesses invérifiables et intenables. Et surtout, il faut quelque chose qui parle aux plus jeunes.
La foi est en vacance en France. L'espoir s'amenuise au gré des licenciements, des lois répressives et de l'accumulation des calamités et des désastres dont on soupçonne que nous y sommes pour quelque chose. Mais les jeunes, fraichement débarqués sur la planète Terre, sont en droit de demander pourquoi c'est à eux et elles de payer pour nos conneries ? Ils et elles sot en droit d'exiger qu'on arrête de saccager le monde qu'ils et elles habiteront quand nous seront de la poussière. Et pour combler la vacance, ni les slogans politiques, ni les messages religieux ne seront de taille à offrir un avenir concret et véritable aux prochaines générations.
Il va donc falloir retourner à l'école de la vie et trouver de nouvelles pistes et forger un cadre pour pratiquer le bouddhisme en dehors des règles monastiques et des institutions ecclésiastiques. Relire Nichiren pour comprendre sa démarche, puis réussir à la transposer à notre temps, à notre décor, à notre culture. La réponse n'est pas venue du Japon, trop empêtré dans sa propre culture syncrétique, capable de tout avaler mais peinant à produire du neuf. La réponse, c'est à nous de la fabriquer et nous manquons de temps... N'en déplaise à ceux et à celles qui continuent de mettre la tête dans le sable : cela fait plus de 40 ans que le bouddhisme de Nichiren s'est invité en France. A ce jour, nous n'avons toujours pas de discours...

03:57

Réponses contre questions

ou comment les certitudes ne conduisent pas à l'illumination.

Après avoir accompagné ma chère et tendre en séminaire d'entrainement (si cela s'appelle encore comme ça) à Trets, en Provence, il y a deux semaines déjà, nous sommes retournés en réunion de discussion hier soir. Le groupe s'était réuni autour des membres qui avaient pu participer au même séminaire et qui retransmettaient leurs impressions et leurs expériences.
J'ai participé à nombre assez important de séminaires d'entrainement et autres cours d'été pour un pratiquant qui n'a aucune responsabilité officielle dans l'organisation Soka française (l'actuelle ACSBN). Et j'ai pu observer les multiples transformations qui se sont opérées en plus de vingt ans. Et je dois dire que le dernier séminaire auquel j'ai participé ne m'a pas laissé un souvenir impérissable, ni même un bon souvenir. Rien de nouveau sous le soleil, sinon une montée en puissance d'une certaine forme de culte de la personnalité. Je me suis donc promis de ne pas y retourner pendant quelques années, histoire de prendre le frais et de retrouver le lien que j'avais tisser avec cet endroit il y a de cela 20 ans.
Bref, la perspective de passer toute une réunion de discussion à l'écoute des impressions des uns et des autres ne m'enchantait pas vraiment, même si c'est aussi l'occasion de découvrir les parcours des uns et des autres, aspect qui a la valeur la plus haute dans mon idée de ce que doit être le mouvement Soka en France.
J'ai donc fermer ma grande bouche et écouter les autres.
Dans ce seul groupe, quatre personnes (dont ma douce) avaient participé à ce séminaire. Et chacun avait ses impressions. Mais ce qui m'a frappé c'est le décalage immédiat qui s'installe entre celles (il n'y avait que des femmes) et les autres. Décalage qui est d'autant plus grand qu'il est amplifié par l'ancienneté dans le mouvement. Ceux qui y étaient allés pour la première fois avaient été bouleversés par le séjour. Les autres s'étaient une fois encore éveillés à la réalité du bouddhisme mais sans comprendre pour autant la portée réelle de ce dernier dans la société qui les entourent. Le séminaire a cet effet pervers sur les pratiquants plus anciens de les conforter dans l'idée qu'ils se font du bouddhisme de Nichiren : une pratique individuelle, apparentée à la pensée positive (mais antérieure à cette dernière), permettant une psychothérapie personnelle légère (mais aussi antérieure à cette technique), et proposant une considération toute particulière de la mort, ou plutôt de la finitude de la vie humaine...
Derrière ces témoignages, ce qui se cache c'est une recherche de certitudes, de réponses toutes faites et rassurantes sur les problèmes existentiels communs à tous. Et peu importe que l'itinéraire de chacun soit unique, il faut des réponses homogènes, simples, qui ratissent large afin de maintenir le consensus et l'approbation mutuelle qui sied aux groupes de toutes natures. En bref, un discours dépourvu de questions véritables.
L'une des participantes (et également hôte de la réunion) fût l'une des seules à poser une question véritable : que se passe-t-il pour ceux qui se suicident ? Quel est leur état, puis leur devenir, si devenir il y a ? On aurait pu attendre un examen de la question et des propositions de réponses puisque à ce jour, pas un seul être dans l'histoire de l'humanité n'a pu répondre à cette question, pas même le Bouddha, et encore moins Nichiren qui ne fait allusion au suicide que de manière rituelle au travers de contes folkloriques et de témoignages historiques pour illustrer le sacrifice ou les rapports de grandeurs symboliques entre les enseignements bouddhiques.
Et bien, il n'y eut pas de réponse. Un vague : « il ne faut pas entretenir de prison personnelle... » ou bien un nébuleux : « en pratiquant ton état de bouddha permet à l'état de bouddha de l'autre (le mort) de s'éveiller et de changer son karma... » Et hop, changeons de sujet de conversation. C'est dans ces moments que j'ai franchement l'impression de me trouver au beau milieu de la Tea party de Alice au pays des merveilles (Lewis Caroll). Je me demande alors qui est le Chapelier toqué, qui est le Lièvre de mars, etc.
Car finalement c'est vrai, comment répondre à des questions existentielles autrement que par des absurdités...?
Ne voulant ni attirer l'attention sur les réponses, ni appesantir la discussion sur un sujet aussi grave, je suis resté dans la réserve en me demandant ce que je faisais là. Les échanges se sont poursuivis avec une certaine similitude avec ceux auxquels j'ai pu assister aux alcooliques anonymes ou dans les groupes de thérapie collective, ou encore dans les cellules psychologiques pour les malades atteints de maladies incurables ou orphelines. Chacun y allant de son combat, qui sur la santé, qui sur le travail, qui sur les troubles psychologiques... A chaque fois il y avait quelqu'un pour répondre une certitude ou statuer sur une situation alors même qu'il n'y avait ni questionnement, ni doute... seulement un témoignage plus ou moins obscur, où le rapport avec la pratique du bouddhisme, de l'éveil, n'était pas vraiment évident ou manifeste.
On passa la parole, comme le font les animateurs des groupes de parole, à une femme que j'avais déjà aperçu mais que je ne connaissais pas vraiment. Elle semblait sereine et déclara que la situation était bonne bien que sa mère soit seule à 90 ans et que son frère de 58 ans soit frappé d'un AVC et à l'hôpital. Elle avait du mal à pratiquer chez sa mère et espérait mobiliser ses frères et sœurs pour aller rendre visite au malade.
Cette intervention n'invitait pas à commentaires, ni à l'énoncé de vérités théoriques sur la situation. Tout le monde compatissait à la souffrance du malade et comprenais le sacrifice de l'intervenante auprès de sa mère. Mais son calme, sa détermination tranquille et son naturel, toutes des qualités propres au Bouddha, me laissait entendre que le combat était plus important qu'il n'était évoqué. C'est aussi une des qualités humaines du Bouddha que de ne pas se montrer ostentatoire dans ses combats, ni dans ses victoires.
Alors je la questionnais. Non pour lui faire dire plus mais parce que son combat silencieux m'intéressait en tant qu'expérience directe de la pratique du bouddhisme. Et ce fut le point de départ d'une discussion qui partant de l'itinéraire personnel de cette femme au sein de sa famille se conclut dans l'importance de pouvoir pratiquer et expliquer le bouddhisme librement aux siens. Cette action est d'autant plus importante que son impact sur l'environnement familial est sans conteste le premier pas de Kosen-rufu. C'est du moins ce que déclarait Josei Toda quand il expliquait qu'il était impossible de faire Kosen-rufu dans le monde tant que l'on n'était pas capable de le faire dans cadre immédiat de la famille.
Cette discussion avait commencé par des questions et non des réponses. Et aux problématiques évoquées par cette femme, il n'y avait pas de réponses toutes faites... seulement des expériences parallèles qui pourraient peut-être apporter des éléments de réponse et des pistes pour faire évoluer la situation, sans volonté d'apporter une solution.
Par ce dialogue, en fin de réunion, j'ai compris ce que ma femme dit souvent : « je ne veux pas des solutions, je veux juste que tu m'écoutes et qu'on en parle ensemble. »
Les questions sont la marque de l'esprit de recherche. Elles sont aussi la marque de l'intérêt que l'on a pour son interlocuteur. Le jeu des questions et des réponses est un cheminement au cours duquel les réponses amènent à d'autres questions et non à des certitudes, surtout si elles sont purement théoriques comme les considérations sur la vie après la mort. Et il s'agit pour nous, pratiquants, de remettre en question nos certitudes afin de chercher et de questionner les autres comme soi-même, sur notre passé, sur notre présent et sur notre futur. La réunion de discussion est un lieu propice pour ce type de renouvellement personnel. Il est toujours regrettable d'y voir les uns comme les autres s'y livrer à des « réponses à tout » stériles qui ne laissent que peu de place aux questionnements et aux recherches intérieures. Nous aimons les certitudes et les dogmes pour la tranquillité et le consensus qu'ils nous apportent. Mais il faut se rappeler qu'ils sont les obstacles majeurs à une perception plus intuitive et plus proche des autres êtres humains, qui, rappelons-le, ne sont pas que des pratiquants...

03:04

Et bien non, je ne suis pas moine


Bien que sur cette image on remarque des couleurs orange sur mes épaules, je ne suis pas devenu, ni n'ai jamais été moine. Et cela bien que je pratique de manière plutôt assidue le bouddhisme de Nichiren (une école japonaise). Et bien que j'écrive nombre d'article sur le bouddhisme en général et le bouddhisme Soka en particulier (l'organisation laïque qui diffuse les enseignements de Nichiren).
Ce que vous apercevez est en fait une écharpe Storchenwiege (c'est le fabricant) pour porter les bébés. Et c'est avec cette écharpe aux couleurs vives que j'ai transporter mon poupon pendant mes vacances. Cela remplace avantageusement la poussette (dont on ne sait que faire) et ça créer une intimité entre le porteur et le bébé. Pour les papas, c'est une occasion en or d'avoir un lien tout à fait étonnant avec les créatures dont ils sont les géniteurs sans pour autant se ruiner les bras, les épaules et le dos.
Je joins une autre photo, pour que tout le monde comprenne :

Et oui, la mouflette est dans l'écharpe et elle dort... Pratique non ?

13:19

Où est la jeunesse du mouvement pour la création de valeurs ?

Après un court séjour en Serbie, puis un saut dans le centre de la France, me voici dans le Sud à quelques kilomètres du centre européen d'entrainement de la SGI. Ma compagne, la mère de ma fille, participe au séminaire de la région Nord depuis jeudi et ce jusqu'à demain midi. C'est une occasion, encore, de faire un point sur le parcours et de se projeter vers l'avenir.
Le « séminaire bouddhique » n'a rien à voir avec le séminaire catholique. On n'y devient pas moine, ni prêtre. Il s'agissait au départ de permettre à cent cinquante participants de se retrouver dans un même lieu, de prier ensemble, d'étudier ensemble et d'échanger sur leurs expériences respectives de la pratique du bouddhisme. C'était un lieu de rencontre spirituelle où l'on pouvait s'éveiller à la pluralité des points de vue, à la richesse des différences, à la multiplicité des parcours.
Alors que je ne connaissais le bouddhisme de Nichiren que depuis seulement deux ans, j'ai participé à mon premier séminaire. Je me suis retrouvé dans la garrigue provençale, au pied de la Sainte Victoire avec 150 autres jeunes gens de 18 à 35 ans. C'était une époque étonnante où la jeunesse était présente dans le mouvement Soka, le mouvement pour la création de valeurs bouddhiques dans la société. Le souvenir qu'il m'en reste était que nous étions, filles comme garçons, les poumons de l'organisation. Nous participions à nombre d'activités bénévoles et nous avions le rôle d'animer les réunions de discussions par nos questions, nos expériences nombreuses et notre enthousiasme. Certes, nous n'étions pas tous solides, réfléchis ou empreints de bon sens. Mais c'était notre mission que de pousser le mouvement en avant en multipliant les aventures humaines.
Quand je regarde rétrospectivement cette époque, je me demande très sincèrement ce qu'il en reste. Car je ne vois aujourd'hui presque rien de cet extraordinaire désordre en action en train de constituer notre histoire. La jeunesse a disparue. Elle n'a pas entièrement quittée le mouvement. Seul(e)s certain(e) l'ont fait et pas tous de manière définitive. La plupart de ces membres de la jeunesse Soka sont devenus les hommes et les femmes de leurs départements respectifs. Car notre organisation copie la structure japonaise en séparant dialectiquement hommes et femmes, les jeunes hommes et les jeunes femmes, la jeunesse et le reste.
Alors que le maître spirituel de ce mouvement, Daisaku Ikeda, encourage depuis des décennies les pratiquants à trouver et à édifier des successeurs, nous autres français n'avons trouver personne pour nous succéder. Les jeunes sont devenus vieux et personne n'a prit réellement la relève...
Que nous est-il arrivé ? Quelles sont les raisons pour lesquelles la jeunesse française n'est visiblement pas intéressée ou bien peu informée sur le courant dynamique et révolutionnaire de notre mouvement de création de valeurs ?
On peut chercher et analyser, proposer des théories ou bien constater des faits et des événements déterminants, mais la vérité n'est pas dans les raisons superficielles que l'examen historique et factuel peut nous révéler. La seule et unique raison est l'épuisement de notre croyance. Nous, membres de ce mouvement pour la création de valeurs bouddhiques dans la société française, ne croyons plus à la possible réalisation de la paix par l'établissement d'une philosophie adaptée à notre temps, à notre société, à notre pays.
Oui, nous avons fini par constituer une articulation institutionnelle solide et conforme. Oui, nous proposons des cours d'étude sur les enseignements de Nichiren. Oui, nous faisons l'apologie du maître de la Soka Gakkai, Daisaku Ikeda. Oui, nous prions sincèrement, avec plus ou moins de régularité, devant l'objet de culte. Et oui, nous continuons d'organiser des réunions de discussion et des réunions générales pour nous encourager mutuellement de nos expériences respectives. Mais quels sont nos résultats concrets depuis 1962 ?
Ils sont faibles. Nous parvenons à peine à ne pas être mis à l'index dans des « référentiels » préjudiciables et anti-républicains. Nous peinons à réunir nos membres plus d'une fois par mois pour ne parler que des mêmes thèmes ressassés. Nous avons toutes les difficultés du monde à constituer un discours qui ne soit une parodie ou une exégèse du discours du maître, qui lui-même fait l'exégèse de Nichiren et son propre maître.
Socialement, nous sommes invisibles. Dans l'espace public, nous sommes inexistants. Et s'il prend l'envie à un curieux de vouloir nous étudier, il devra se décarcasser pour trouver des références fiables, propres, claires sur notre doctrine, nos convictions et les dogmes de notre école. Il ne s'agit pas de devenir les concurrents médiatiques des Témoins ou bien des Scientologues. Il ne s'agit pas non plus d'éclipser le bouddhisme lamaïste des tibétains ou bien l'élégance du zen. Mais il ne s'agit pas non plus de rester parqués dans notre pré carré, si bien rangé soit-il.
Tout cela n'est que le reflet de notre manque de croyance, notre manque de conviction qu'il y a une paix possible, une pédagogie efficace et bienveillance sincère qui permette de changer la société de manière abondante et inaltérable. Et parce que nous manquons de croyance, la jeunesse est incapable de nous suivre. Elle nous fuit... ou alors elle s'égare pour un moment seulement. Car la jeunesse ne se nourrit que de croyance. Elle ne dispose pas encore de l'expérience et de l'histoire pour bâtir son monde intérieur et encore moins un environnement ou une société. La jeunesse a besoin de croire, de toutes ses forces, dans un avenir, un projet d'envergure, un discours d'espoir. C'est la capacité de croyance qui caractérise la jeunesse. Et grâce à cette croyance, elle peut changer le monde.
Nous manquons de croyance et nous laissons filer les jours, les semaines, les années sans opérer la réforme intérieure nécessaire pour devenir le phare de la jeunesse. Et ce n'est ni en faisant l'apologie d'un vieillard, ni en se faisant le porte parole de ces discours, ni en montrant un façade institutionnelle lisse et uniforme que nous débuterons ce processus de changement. La jeunesse est un bien précieux et aucun jeune homme et aucune jeune femme ne l'échangera contre un mausolée à la gloire fanée d'un mouvement vivant désormais dans le passé.
Le futur de la jeunesse est devant nous. C'est ce que le président de la Soka Gakkai Internationale, Daisaku Ikeda, nous dit très clairement quand il déclare que la vie d'un homme commence à 60 ans ou bien à 80. Il s'agit une fois encore de rappeler à chacun que la Jeunesse ne désigne pas seulement une génération, ni une catégorie, mais bel et bien un état d'esprit combattif et opiniâtre. C'est avec cet état d'esprit que le fondateur de notre mouvement bouddhique, Nichiren, a composé son traité le plus important, La pacification du pays par l'établissement de l'enseignement correct. C'est aussi avec cet esprit que le premier président de la Soka Gakkai, Josei Toda (avant lui, la Soka Gakkai n'existait pas en tant que telle) a fait sa déclaration cinglante contre les armes nucléaires et condamner leur utilisation ou leur production. Enfin c'est toujours avec ce même esprit que mon maître spirituel, Daisaku Ikeda, a écrit la Révolution Humaine, attestant de l'esprit de la jeunesse au travers d'une monographie de son maître et du Mouvement pour la création de valeurs bouddhiques dans la société, la Soka Gakkai.
La Soka Gakkai, mouvement pour la création de valeurs bouddhiques dans la société, est un mouvement de la jeunesse, pour la jeunesse et par la jeunesse. Il est temps que nous nous en rappelions et que nous retrouvions cet esprit jeunesse que nous avons perdu en cours de route. C'est seulement de cette manière que nous pourrons construire une organisation dynamique, fraîche et nouvelle sur le long terme.
« Sur vos tombes, regrets. Sur la mienne, victoire éternelle...»

05:37

Une autre vie, ailleurs...

Me voilà de retour de dix jours passés en Serbie. Petite république au cœur des Balkans, fragment de ce qui reste de la Yougoslavie, la Serbie est encore aux portes de l'Europe. Avec un appareil politique défaillant, des institutions inefficaces et corrompues à tous les étages, une monnaie ridiculement faible et un niveau de vie au ras des pâquerettes, la Serbie apparaît comme une nation fragile, prête à s'effondrer. Après le dépeçage en règle de la Yougoslavie, la mondialisation procède à l'anéantissement des cultures locales et écrase lentement mais sans concession l'histoire et la tradition.
Malgré des conditions de vie compliquées, pour ne pas dire difficiles, je suis toujours stupéfait de la capacité des serbes à affronter avec un certain courage les difficultés de leurs existences. On continue, en ce mois de Mai, à fêter les mariages, à célébrer la Slava, à échanger des cadeaux, à se rendre visite dans l'après midi pour boire le café, à discuter bruyamment de la politique et des nouvelles du monde... Les temps sont durs mais cela ne donne pas l'excuse de baisser les bras et de se laisser aller.
Les Serbes sont fiers. Ils disparaîtront certainement, sans livrer de nouveau combat, dans le silence et dans la dignité. Mais en attendant que les jeunes aient tous quitté le pays, que les vieux soient tous enterrés dans leurs petits cimetières de villages, que les politiciens de Belgrade aient fini de vendre les dernières parcelles de richesse du pays à tous les vautours et banquiers européens, les gens continuent de manger, de boire et de danser sur de la musique de Trubaci.
Impossible ici de tenir des discours creux et dépourvus de solutions pratiques. Difficile de faire comprendre que la récitation d'un mantra pourrait changer la vie des gens. Dans un pays où le communisme a laminé le sacré dans l'esprit des gens et où l'Eglise orthodoxe est la masque d'un nationalisme arriéré et dangereux. A Belgrade, un groupe de pratiquants du bouddhisme de Nichiren a pris racine. Mais à la campagne, la seule chose qui prend racine est le désespoir.
De retour dans ma France en crise et aux prises avec la dictature molle, les décalages me donnent bien du grain à moudre. L'humanité c'est une chose, mais la réalité des populations en est une autre. La première est notion abstraite. La seconde est un ensemble de contraintes et de complexités impossibles à aborder sans une détermination solide.
Vivre ici ou ailleurs importe peu. Ce qui importe c'est de chercher et de réaliser une autre vie... une vie nouvelle. C'est pas gagné.

08:57

La réunion de discussion, théâtre de la foi

Comme je le disais dans mon précédent billet, mardi, je me rendais avec femme et enfant à ma première réunion de discussion de province, dans la bonne ville picarde de Compiègne. Après quelques tours de ronds points nous voilà rendus chez nos hôtes où se sont réunis une douzaine de personnes, avec une forte majorité féminine. L'atmosphère est cordiale et détendue. Les participants sont aussi bien des novices que des vétérans, le texte d'étude à la main, très curieux et intrigués par notre arrivée remarquée. Un rapide tour de présentation permet de dégeler les rapports et à chacun de se sentir de nouveau à l'aise dans son espace habituel de représentation.
Car une réunion de discussion est aussi un espace de représentation. Les gens n'y sont pas comme chez eux ou comme au travail. L'omniprésence d'un discours sur la foi fait de citations et de témoignages personnels a une grande influence sur le comportement de chacun. Le maître mot est l'optimisme et son corollaire est l'attitude positive. Pas de contestation, peu de réserves énoncées ou articulées.
Pas une seule note discordante ou contradictoire. C'est souvent le cas lors de la première réunion de discussion à laquelle n'importe qui assiste. La polémique est considérée comme contraire à la démarche bouddhique et la contradiction est une marque de malveillance et d'orgueil. Cela donne généralement une atmosphère sereine et compatissante très semblable à des groupes de thérapie collective ou des sessions de formation en dynamique de groupe. La consensualité est de rigueur.

Comme de coutûme depuis quelques années, le sujet, en l'occurrence l'étude d'une phrase des écrits de Nichiren sur l'unité bouddhique (Itai Doshin), est éclipsé par une conversation à l'avenant sur toutes sortes de raisons de pratiquer notre bouddhisme. Il y a bien quelqu'un pour tenter de raccrocher les wagons mais il y en a toujours un autre pour dériver à nouveau et ponctuer la conversation d'une touche personnelle. Et dès que l'on se hasarde à la limite de la métaphysique, de la philosophie ou même de l'enseignement lui-même, l'auditoire se rétracte et tente par des biais divers de recoller à une réalité triviale, périphérique, strictement individuelle...
L'heure et demi de réunion passe assez vite car la conversation va bon train, comme toutes les premières séances, celles dites de premier contact. Et une fois encore c'est souvent le cas dans toutes les réunions de discussion que j'ai fréquentées, animées, organisées... On peut dire que cette atmosphère de premiers contacts est la marque de fabrique d'une réunion réussie... du moins dans Soka Gakkai.
Et après ?
Il n'y a pas d'après. C'est aussi l'étonnante réalité de la réunion de discussion. Ce n'est pas un lieu historique, pas le théâtre d'un feuilleton ou d'une histoire à épisodes. On a toujours l'impression qu'il s'agit de la première fois mais avec les mêmes protagonistes à chaque fois. Et il y a fort à parier que les points abordés à la première rencontre seront aussi ceux abordés dans les dix ou douze rencontres suivantes. C'est ce qui fait de la réunion de discussion, un théâtre, une scène sur laquelle les acteurs peaufinent le rôle qu'ils se construisent dans le monde de la foi.

Le théâtre de la foi est un concept connu des théologiens, des érudits de la religion, des spécialistes de la croyance. Il existe donc toutes sortes de théâtres de la foi. Dans l'Antiquité grecque comme dans les civilisations précolombiennes, les sociétés indiennes ou africaines, les cérémonies religieuses sans liturgie étaient aussi importantes, sinon plus déterminantes, que les cérémonies liturgiques (comme la messe). Aussi étonnant que cela paraisse, les réunions de discussion bouddhiques sont au nombre de ces théâtres de la foi.
Les participants à ce théâtre sont souvent conscients de la singularité de leur démarche religieuse mais ils (et elles) sont parfaitement inconscients du jeu et de l'artifice, c'est-à-dire du fait qu'ils et elles sont en représentation permanente et en constante raffinement de leurs propre personnage de croyant. Les antiques savaient combien la similitude entre l'acteur et le croyant était grande. De grands noms de la littérature et de la dramaturgie grecque et romaine ont traité du sujet de manière complète et souvent pénétrante.
Est-ce à dire que la réunion de discussion n'est encore qu'un exutoire de plus dans la vie des gens et que ce qui s'y déroule est complètement faux, artificiel, vide de sens ?
Pas du tout.

Si le bouddhisme n'a pas pour but premier la sculpture de soi ou la construction intérieure. Son objectif premier reste la réalisation persistante de l'éveil. C'est l'éveil, ou boddhéité, qui implique une construction personnelle, ou plutôt une reconstruction personnelle capable désormais de se libérer des anciens schémas de souffrance et faire feu de toute forme de réalité qui se présente. Cette capacité de librement recevoir et employer toute chose dans le but de s'éveiller davantage est l'un des traits caractéristiques du bouddhisme.
Le participant à une réunion de discussion est donc en quête de cette reconstruction nécessaire, qu'il ou elle appellera pour l'occasion : révolution humaine. Nécessaire pour son développement personnel et nécessaire pour s'éveiller davantage à la nature fondamentale de sa propre vie comme de celle des autres.
Eventuellement, le protagoniste, qu'il soit pratiquant assidu ou simple visiteur régulier, finira peut-être par se rendre compte de la nature théâtrale de la réunion et de sa propre participation. C'est ainsi que de simple mortel découvre sa nature de bouddha et parvient à considérer le monde comme une vaste pièce de théâtre dans lequel ce qui importe ne sont plus les rôles de chacun mais la manière d'en faire usage pour permettre à tous de réaliser l'éveil.

La réunion de discussion est un théâtre de la foi. Les gens que j'ai rencontré mardi ne dérogent pas à cette règle de la mise en scène et du jeu. Moi non plus d'ailleurs... Nous n'avons abordé aucunes des réflexions que je viens d'évoquer dans ce billet. Mais nous ne nous sommes pas ennuyés. Mais ce n'était que les premiers contacts...

01:16

Participer à une réunion de discussion en Picardie

La Picardie compte trois départements pour une superficie de presque 20 000 Km2, soit une fois et demi celle de l'Ile de France, mais une population presque dix fois inférieure à cette même Ile de France. Avec une densité de population d'à peine 100 habitants au kilomètre carré (contre presque 1000 en IDF), il est plus difficile de trouver un lieu de réunion pour les gens intéressés au bouddhisme Soka.
Malgré cette difficulté, j'ai finalement trouvé un lieu de réunion à Compiègne où je me rendrais mardi 7 avril prochain.
Compiègne est à une trentaine de kilomètres de Senlis, où j'habite et où il n'y a pas encore de lieu de réunion Soka. Ce genre de distances est assez commun dans notre mouvement qui ne compte qu'environ 10 000 pratiquants répartis inégalement sur tout le territoire français de la métropole et de l'outre-mer.

Traditionnellement, les réunions de discussions forment l'essentiel de l'activité de congrégation du mouvement Soka dans le monde. Les pratiquants d'une même localité se réunissent régulièrement au domicile de l'un d'eux pour pratiquer ensemble la liturgie, puis pour prendre le temps d'échanger des points de vues et des expériences personnelles sur une thématique choisie. C'est l'occasion pour chacun d'aborder des incompréhensions, de faire part de ses interrogations et poser des questions. C'est aussi le moment de relater un parcours personnel, les détails d'un événement marquant et d'offrir une interprétation individuelle de l'expérience du bouddhisme au quotidien.
Participer à une réunion de discussion est une expérience particulière. Non qu'il s'y déroule des phénomènes paranormaux, ou bien qu'il s'agisse d'une séance de dynamique de groupe ou de psychothérapie collective. Participer à une réunion de discussion Soka rejoint le mode de congrégation le plus ancien et le plus fondamental que l'on puisse trouver. Les pratiquants et leurs amis ou invités se rassemblent en privé, sans le concours d'aucun directeur de conscience ecclésiastique ou laïc, et pratiquent le culte (liturgie, discussion libre, commentaires du corpus d'étude) de manière indépendante d'une église, d'un temple ou d'une institution officielle.

Les réunions de discussion sont à l'image des premiers groupes religieux de tous les courants existants. En cela, ces groupes conservent à la fois la tradition et le dynamisme originel de la spiritualité.
A l'intérieur du groupe, plusieurs rôles se distinguent. L'hôte, qui ouvre son domicile pour le rassemblement, y joue une partie déterminante. Il n'y a rien d'aisé à ouvrir l'endroit où l'on vit (que ce soit en famille ou seul) à des étrangers, tout coreligionnaires qu'ils soient. Accueillir une réunion de discussion est en soi un exercice formateur et un défi pour l'hôte (ou les hôtes), mais les bénéfices en termes d'ouverture et de construction personnelle sont multiples.
Une autre fonction est celle des animateurs et animatrices, que l'on nomme un peu à tort : responsables. Par une réunion de travail et de prière préalable, ils et elles se sont concertés pour choisir le sujet, prévoir le nombre de participants et organiser de manière informelle le déroulement de la réunion. Bien que la mise en place prenne une grande part dans l'organisation, c'est surtout la prière commune qui a une influence majeure sur la manière dont se déroulera la réunion de discussion. Et c'est dans ce sens seulement que le terme de responsable est adéquat. Les animateurs et animatrices prennent vraiment la responsabilité de produire une réunion chaleureuse, ouverte, où chacun viendra tel qu'il est en repartira enrichi par sa participation personnelle (si modeste ou discrète soit-elle) et ses échanges avec les autres.
Les participants pratiquants comme non pratiquants forment l'essentiel des acteurs de la réunion de discussion. Malgré le soin apporté par les hôtes et les animateurs pour l'organisation physique et le déroulement de la réunion, c'est sur la participation des invités, pratiquants comme non-pratiquants que repose la substance de l'événement. Il s'agit pour les animateurs d'encourager de manière subtile et chaleureuse les invités à faire part de leurs questionnements et à partager leurs expériences.

La réunion de discussion est en soi un tour de force et il n'est pas étonnant qu'elles soient rares. Dans une semaine, c'est à Compiègne que se déroule la prochaine réunion de discussion qui sera ma première participation en Picardie.

00:23

Comment devient-on bouddhiste en Picardie ?

La question est sérieuse. La réponse aussi. On ne devient pas bouddhiste comme l'on entre en religion. Il est même difficile de dire si le bouddhisme est une religion ou une philosophie ou, tout simplement, un code éthique. Mais le bouddhisme est très certainement une pratique. Alors, il ne reste plus que l'expérience personnelle pour décrire le passage entre le moment où l'on ne pratique pas encore le bouddhisme et celui où on le pratique.

Je me souviens très précisément de ma rencontre avec le bouddhisme, il y a maintenant 22 ans. J'habitais chez mes parents, dans une banlieue très moche de la région parisienne et j'appréhendais le moment fatidique où je devrais aller servir sous les drapeau comme tous les jeunes hommes de mon âge. En quête de sens dans la vie, j'avais lu beaucoup, de manière anarchique et en dehors de tout parcours scolaire ou universitaire de nombreux ouvrages sur les religions, les spiritualités du monde, la magie, l'ésotérisme, l'occulte, etc. J'avais une haute opinion de l'activité spirituelle et les traditions orientales me semblaient parfaitement exotiques et très éloignées de mes préoccupations quotidiennes et de mes vicissitudes de jeune homme.
Mon père avait déserté le foyer familial assez discrètement et très progressivement et ma mère s'était incarcérée dans une routine complexe faite d'une foule de détails et de trois enfants en âge d'aller vivre leurs propres vies ailleurs mais qui profitaient au maximum des derniers moments de dépendance avant d'être parachutés dans ce monde cruel. L'appartement de 90 mètres carrés que nous occupions à Aubervilliers (93) suffisait à peine à contenir les débordements psychologiques et hormonaux de chacun et l'endroit commençait à ressembler à un quartier assiégé avant l'assaut.

Quelle ne fût pas ma surprise quand Maman nous annonça que nous étions invités un samedi à prendre une collation chez une voisine saluée régulièrement mais pas vraiment intime. Elle organisait, disait ma mère, sa première réunion sur le bouddhisme. Du bouddhisme à Aubervilliers ! J'étais plus outragé que stupéfait. Comment une philosophie aussi complexe, aussi noble, aussi spirituelle, pouvait-elle se trouver perdue dans une banlieue pourrie, à peine sortie du stade de taudis et terrains vagues. Et comment pouvait)il y avoir des moines en robe safran dans les parages sans que personne ne s'en soit aperçu.
Armé de mes a priori et d'une bonne dose de cynisme post-adolescent, je me rendais le samedi suivant à cette fameuse réunion. Profitant du buffet, j'invitais quelques copains de la résidence. Mon frère et ma sœur en faisaient de même. Le clan tout entier vint sonner à la porte de la voisine. Ravie et visiblement dépassée, elle nous fit entrer dans son appartement pour rejoindre une dizaine d'autres personnes qui par un prompt renfort passèrent à plus d'une vingtaine.
La réunion se tenait dans le salon où trônait un autel japonisant ouvragé et laqué dans lequel pendait un curieux parchemin en caractères chinois. Autour de l'autel étaient agencés un vase de feuillage, une corbeille de fruits, une boîte à encens, une coupelle à eau, quelques colifichets que je ne parvenais pas à identifier et deux portraits discrets de personnalités orientales. Les invités étaient assis en cercle qui sur une chaise, qui sur un pouf, qui par terre faute de chaises pour parer au surcroît soudain d'invités. Notre hôte nous servit des rafraîchissements et fit passer une assiette assortie de petits gâteaux.
Au cours de cette première réunion, je découvrais que nombre des personnes présentes à notre arrivée étaient des pratiquants du bouddhisme. L'un d'eux animait la réunion en essayant de son mieux d'expliquer les bienfaits de la pratique, la grandeur de l'objet de culte (la calligraphie pendant dans l'autel japonais), l'efficacité de la récitation d'un mantra et surtout ses avantages sur les nombreux et complexes rituels des autres courants du bouddhisme. Cela ressemblait à un curieux assemblage entre une réunion Tupperware, un cours sur la Bible des Témoins de Jéhova et une séance de thérapie de groupe. Nous regardions et écoutions ces gens raconter leurs déboires et comment la pratique (la récitation du mantra) avait transformé leur vie et résolu leurs problèmes.

Je me suis dit : « je bois un coup. Je mange les gâteaux et je me casse... ». On nous avait présenté le bouddhisme, les enseignements de Nichiren, la calligraphie dans l'autel et l'action de l'organisation qui diffusait la bonne parole dans le monde. Puis ce fut le moment de se présenter et d'intervenir. Poliment, chacun se présenta succinctement et on nous demanda de parler. Comme tout le monde dans pareille situation, les invités n'avaient que peu de choses à dire tant il y avait de choses à digérer et à accepter en un temps assez court. A la fois arrogant et spontané (le mélange est détonnant), je pris la parole et me mis à pérorer (parfois sans fondements ou références solides) sur ce bouddhisme, le comparant à d'autres courants (dont je ne savais que peu de choses) et surtout en critiquant les arguments apportés, le rabaissant carrément à la méthode Coué.
J'étais certain, comme je l'avais souvent fait avec les Témoins qui nous rendaient visite souvent dans notre banlieue, que la discussion tournerait court et que nous serions bientôt congédiés. Patiemment et avec beaucoup de prévenance, nos hôtes tentèrent à nouveau d'expliquer les points clés de la pratique bouddhique avec des mots moins exotiques et surtout en essayant de se faire comprendre. D'autres invités posèrent des questions. Et le dialogue se poursuivit ainsi pendant deux bonnes heures. La réunion s'acheva car plusieurs personnes devaient partir et étaient venues d'assez loin, parfois de province pour l'occasion. La voisine nous confirma qu'il y aurait une autre réunion dans une quinzaine de jours et que nous étions tous cordialement invités.
En repartant, j'avais cette curieuse sensation d'avoir participé, pour la première fois, à quelque chose de stimulant et de grand. Cette sensation que l'on a en sortant d'un concert ou bien d'un événement sportif d'envergure. Et cela en dépit de l'apparence des choses, de la faiblesse de certains arguments, des maladresses et des contradictions. Nous repartions en famille avec un petit opuscule sur le Sûtra du Lotus (plus particulièrement sur deux des chapitres de cet enseignement). Ma mère semblait intéressée par ce qu'elle avait entendu. Je restais campé sur mon idée première que ces gens, des laïcs occidentaux, ne comprenaient rien à ce qu'ils professaient. Ce bouddhisme à la japonaise ne pouvait être pratiqué que par des japonais, là-bas dans leur archipel des confins du monde.

Rétrospectivement, je me rend compte combien l'individu (moi en l'occurrence) peut être aveuglé par ses conceptions a priori et ses idées reçues essentiellement bâties sur l'imaginaire et le fantasme plutôt que sur la réalité et des faits concrets. Cet aveuglement, que le bouddhisme appelle Trois poisons, est plus simple à entretenir qu'une authentique démarche d'ouverture et de rencontre. Cette dernière nécessite à la fois une curiosité spontanée, presque enfantine, et une volonté d'aller vers les autres en se défaisant de nos a priori.
Mais ce qui me frappe encore maintenant, c'est la force intérieure démontrée tantôt timidement, tantôt maladroitement, lors de ce premier contact. Si pour nous invités, la situation avait quelque chose d'irréel et de totalement dépaysant, pour ceux qui nous recevaient et qui parfois ne pratiquaient le bouddhisme que depuis quelques années, voire quelques mois, l'expérience étaient encore plus incroyable. Comment transmettre sa propre expérience intime de la spiritualité ? Comment se dévoiler à de parfaits inconnus (arrogants et cyniques comme je pouvais l'être à ce moment là) ? Et comment conserver son calme et poursuivre sa démarche bienveillante pour faire connaître une philosophie de vie ? Il fallait quelque chose qui nous fait défaut souvent : la foi.
Bien que le bouddhisme soit avant tout une philosophie et un ensemble d'outils conceptuels permettant une représentation alternative du monde, il repose essentiellement sur la foi, la conviction que les autres ont, de manière naturelle, la même capacité d'éveil que nous. Cette posture d'esprit nécessite un véritable entraînement pour être maintenue à chaque interaction avec autrui. Il est souvent plus simple de déconsidérer l'interlocuteur et de le reléguer à une position inférieure, à un statut moindre, afin de le nier, de le neutraliser.
Cette première leçon, dont je n'ai récolté les fruits que bien plus tard, je l'ai reçue lors de cette première réunion de discussion. J'ai découvert ce jour-là que tout le monde pouvait pratiquer le bouddhisme et que cela permettait à des gens ordinaires de s'humaniser davantage pour être à l'écoute de leurs prochains.

A la réunion suivante, j'apprenais que le bouddhisme n'était pas un enseignement ésotérique, compliqué et réservé à une élite monastique. Mais ça c'est une autre histoire...

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Picardie, terre d'accueil du mouvement Soka

La Picardie est le terreau fertile d'un courant humaniste et moderne du bouddhisme. Originaire du Japon contemporain, le mouvement Soka se développe en France depuis plus de 40 ans et notamment en Picardie. Loin des traditions monastiques si caractéristiques de la vision occidentale du bouddhisme, la philosophie Soka est un outil quotidien, simple et résolument moderne pour s'éveiller à sa propre valeur, à celle des autres et à la valeur de notre environnement.
Composé essentiellement d'un réseau de groupe de discussion à travers la France mais aussi à travers le monde (la SGI est présente dans 192 pays), le mouvement Soka n'a pas vocation à un prosélytisme fermé et exclusif mais bien à la diffusion de valeurs humaines au sein de la société. Beauté, bonté et bénéfice mutuel sont les maîtres mots de notre action, qu'elle soit de terrain ou à des échelons plus vastes.

Les objectifs du mouvement Soka sont aussi essentiels que les valeurs qu'il défend : culture, éducation, paix.
Par culture, nous entendons aussi bien celle que l'on range dans les bibliothèques et des salles de spectacles, que celle plus populaire que nous échangeons dans nos conversations au zinc, à la pause, dans le train ou simplement en famille. C'est la culture vivante et plurielle, construite autour de nos coutumes, de nos idées, de nos croyances traditionnelles, de nos représentations de la famille, de la société, de notre identité.
Par éducation, nous ne nous substituons pas à l'éducation libre et gratuite qui fait encore la singularité de notre pays. En revanche, nous souhaitons apporter une véritable contribution à tous en diffusant des valeurs éthiques ancrées dans la philosophie bouddhiste, des valeurs d'éveil sur soi, sur les autres, sur le monde et sur les interactions et les liens qui nous unissent tous dans ce vaste enchevêtrement que l'on nomme univers.
Enfin par paix, nous souhaitons l'extension de la non-violence comme approche de tout conflit, l'abolition non seulement des confrontations armées mais aussi la disparition pure et simple des arsenaux nucléaires et conventionnels. C'est de loin, notre objectif le plus utopique mais aussi celui qui fourni le plus d'énergie pour opérer de réels changements dans la vie des individus. Nous pouvons penser la paix impossible dans ces termes, mais rappelons-nous que l'on pensait impossible que la Terre fusse ronde, que des hommes soient envoyés dans l'espace ou que l'Europe puisse cesser d'être le théâtre de guerres sans fin.

Pour réaliser ces objectifs, nous avons pour socle la pratique quotidienne du bouddhisme.
Il ne s'agit pas pour le mouvement Soka de devenir des moines en robe safran ou pourpre au crâne rasé, ni de s'exclure du monde en méditant durant la journée entière, ni encore de s'adonner à des exercices de relaxations. La pratique du bouddhisme Soka s'appuie sur les enseignements traditionnels du bouddhisme indien et chinois. Elle se concentre sur une liturgie simple et complètement adaptée à notre société contemporaine, formulée par Nichiren, moine japonais réformiste dont les enseignements ont donné naissance à de nombreux courants monastiques et laïcs.
Cette pratique liturgique se double d'une étude régulière des enseignements et d'un dialogue permanent entre les croyants sur leur expérience du bouddhisme dans le quotidien au cours de réunion de discussion bimensuelles par groupes d'une douzaine de personnes en moyenne. Au travers de ce travail de terrain, complètement articulé sur les individus qui le composent, le mouvement Soka propose de découvrir le bouddhisme, la philosophie humaniste de l'éveil, et de permettre à chacun de se doter des moyens d'être autonome vis-à-vis de soi comme des autres, de développer sa liberté intérieure comme extérieure et de réaliser concrètement les conditions de son propre bonheur.

De tels objectifs ne se réalisent pas en un jour. Il faut du temps et de la patience pour parvenir à se libérer de nos souffrances intérieures, de nos peurs et de nos angoisses. Il nous faut ouvrir les yeux sur la manière dont nous regardons le monde et la considération que nous lui portons. Enfin, il nous faut construire ou reconstruire la confiance en soi, en les autres, et s'éveiller ainsi à la dignité de notre propre vie, à la dignité de la vie tout court. Ce processus bouddhique que nous appelons la révolution humaine est la clé de la réussite individuelle et de la rencontre entre l'individu et son monde. Elle ne nécessite pas de devenir quelqu'un d'autre, ni de se transformer, ni de tout quitter ou de tout abandonner. La révolution humaine s'opère dans la vie que nous avons, dans notre quotidien, au milieu de nos réalités agréables ou désagréables.
En pratiquant le bouddhisme Soka, nous avons la possibilité inattendue de faire sauter les verrous qui nous empêchent d'avancer et de transformer ce que nous pensions être des obstacles en tremplins pour notre développement personnel. Ainsi, nous retrouvons la possibilité du choix. Et choisir c'est être libre...
En Picardie aussi, nous avons cette chance. Plusieurs groupes de discussion existent à Amiens, à Beauvais, à Compiègne et ailleurs qui se réunissent deux fois par mois pour discuter des enseignements de Nichiren et du bouddhisme Soka, et pour échanger leurs points de vue et partager leur expérience toute personnelle du bouddhisme au quotidien. Ces groupes sont ouverts et accueillent ceux et celles qui sont intéressés, curieux, désireux de voir des changements s'opérer pour le mieux dans leurs vies et dans l'environnement.

Pour en savoir plus :
— le site des réunions de discussions en France (http://www.reunion-discussion.fr)

Pour nous contacter :
— infos@reunion-discussion.fr

D'autres liens utiles sont disponibles en marge.