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La fin du monde

Finalement, ce qui devait arriver, arrive. Sans attaches et sans liens pour cette terre austère qui ne se laisse pas approcher, ni découvrir, toujours nimbée de brumes et d'ombres, je quitte la Picardie et plus particulièrement l'Oise. Ce pays devait être le point de départ d'une nouvelle vie. Il a été le moment de la fin du monde.
C'est sans regrets que je quitte la Picardie. On regrette les gens, pas les paysages. Ces derniers sont immortels alors que les gens ne font que passer. Je ne regrette pas non plus ceux et celles qui tentent péniblement de suivre les péripéties de Soka Gakkai dans la région.
Sans nouvelles d'eux depuis des mois, pour ne pas dire presque deux ans, je vérifie, une fois encore, que loin des yeux loin du cœur est un principe en vigueur chez les bouddhistes. Fort heureusement, j'ai appris à me démerder seul (version sportive de se dresser seul). Et je n'ai pas attendu qu'on vienne me prêter main forte pour sortir la tête hors de l'eau et commencer à nager.
J'ai de la bonne fortune sous la forme d'amis nombreux (qui ne pratiquent pas le bouddhisme, mais cultivent l'amitié). J'ai de la bonne fortune sous la forme de liens bouddhiques forts avec des membres qui ne connaissent ni les hiérarchies, ni les frontières artificielles de l'organisation formelle. Enfin j'ai de la bonne fortune sous la forme d'une petite fille de maintenant cinq ans qui me rappelle tous les instants de l'importance de l'existence humaine. Devant autant de bonne fortune, la mesquinerie et l'hypocrisie sont bien peu de choses.
Je pars pour retourner, mon corps défendant, à la capitale. L'idée m'est inconfortable, désagréable, douloureuse. Mais je me rapproche de ma fille et il me sera possible de la voir très souvent. Alors j'oublie l'inconfort. Et je trouverai bien dans le quartier de Drancy où je vais atterrir une réunion de discussion à fréquenter. La Seine St. Denis est fertile en souffrances. Le bouddhisme du lotus s'y trouve à son aise pour pousser.
Au revoir Picardie. Je reviendrai certainement en touriste. Et c'est bien mieux ainsi pour moi comme pour tout le monde.