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Une autre vie, ailleurs...

Me voilà de retour de dix jours passés en Serbie. Petite république au cœur des Balkans, fragment de ce qui reste de la Yougoslavie, la Serbie est encore aux portes de l'Europe. Avec un appareil politique défaillant, des institutions inefficaces et corrompues à tous les étages, une monnaie ridiculement faible et un niveau de vie au ras des pâquerettes, la Serbie apparaît comme une nation fragile, prête à s'effondrer. Après le dépeçage en règle de la Yougoslavie, la mondialisation procède à l'anéantissement des cultures locales et écrase lentement mais sans concession l'histoire et la tradition.
Malgré des conditions de vie compliquées, pour ne pas dire difficiles, je suis toujours stupéfait de la capacité des serbes à affronter avec un certain courage les difficultés de leurs existences. On continue, en ce mois de Mai, à fêter les mariages, à célébrer la Slava, à échanger des cadeaux, à se rendre visite dans l'après midi pour boire le café, à discuter bruyamment de la politique et des nouvelles du monde... Les temps sont durs mais cela ne donne pas l'excuse de baisser les bras et de se laisser aller.
Les Serbes sont fiers. Ils disparaîtront certainement, sans livrer de nouveau combat, dans le silence et dans la dignité. Mais en attendant que les jeunes aient tous quitté le pays, que les vieux soient tous enterrés dans leurs petits cimetières de villages, que les politiciens de Belgrade aient fini de vendre les dernières parcelles de richesse du pays à tous les vautours et banquiers européens, les gens continuent de manger, de boire et de danser sur de la musique de Trubaci.
Impossible ici de tenir des discours creux et dépourvus de solutions pratiques. Difficile de faire comprendre que la récitation d'un mantra pourrait changer la vie des gens. Dans un pays où le communisme a laminé le sacré dans l'esprit des gens et où l'Eglise orthodoxe est la masque d'un nationalisme arriéré et dangereux. A Belgrade, un groupe de pratiquants du bouddhisme de Nichiren a pris racine. Mais à la campagne, la seule chose qui prend racine est le désespoir.
De retour dans ma France en crise et aux prises avec la dictature molle, les décalages me donnent bien du grain à moudre. L'humanité c'est une chose, mais la réalité des populations en est une autre. La première est notion abstraite. La seconde est un ensemble de contraintes et de complexités impossibles à aborder sans une détermination solide.
Vivre ici ou ailleurs importe peu. Ce qui importe c'est de chercher et de réaliser une autre vie... une vie nouvelle. C'est pas gagné.

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